Tribune : Et si on changeait ça maintenant ?
- Archium
- 26 avr. 2020
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Dernière mise à jour : 2 juil. 2020

La crise du coronavirus doit nous faire réfléchir sur la société dans laquelle nous vivons afin d’en impulser les changements les plus vifs.
Le fort et le faible : Une dualité dépassée Le choc économique, social et sanitaire qui plus que jamais se fait ressentir dans les quatre coins du monde atteste de l’interdépendance mondiale. Toutefois, cette interdépendance mondiale est encastrée dans un système international où la puissance et la domination est au centre du jeu diplomatique, sans multilatéralisme, sans réelle communauté inclusive. Si la situation actuelle démontre inlassablement que les pays du « Sud » et les pays du « Nord » vivent sur la même planète bleue, l’urgence sanitaire illustre surtout un fait souvent peu remarqué : oui le fort dépend du faible !
Notre esprit étriqué dans les théories de puissance et de souveraineté a tendance à observer la réalité d’aujourd’hui dans un prisme géopolitique ancien et dépassé [Loin du contemporain]. Si les pays riches dominent financièrement, économiquement, militairement …, ils ne peuvent vivre sans les pays pauvres. Il faut en finir avec « les vielles certitudes, [ainsi que] les anciens concepts » (Bertrand Badie « Quand le sud réinvente le monde »), et être pragmatique.
Nous vivons désormais dans un monde global et non mondialisé. Global, c’est-à-dire unique et différent, intégral et divisé, et surtout éloigné mais proche. Ainsi, si une maladie touche un pays défaillant en matière sanitaire, il y a des forts risques que cela touche aussi les pays avec un fort développement sanitaire. La raison ? Nous vivons dans un monde global. En conséquence, plus le faible sera faible et défaillant plus il est un risque pour lui-même et à bien des égards, aussi pour le fort. Le fort dépend aujourd’hui plus que jamais du faible. C’est pourquoi la seule réponse à une crise telle que celle que nous vivons, ne peut être que commune, solidaire, multilatérale, et universelle. L’innovation devra être commune, pour ne pas nous être fatale.
C’est pourquoi je plaide pour un monde collectif et solidaire. La force et la faiblesse n’ont plus d’importance, seuls l’altruisme et la générosité nous rendront fort. Mais je ne suis pas dupe. Oui, il existera toujours des états forts, mais [je l’espère] empêtrés dans un multilatéralisme salvateur, afin de construire une communauté internationale forte. Si le faible meurt … nous mourrons désormais aussi, les frontières n’y changeront rien.
En outre, avec plus de 20 000 morts du coronavirus en France, la célèbre citation de Paul Valery « Si l’Etat est fort il nous écrase. S’il est faible nous périssons » raisonne plus que jamais. Cependant, à cela je rajouterais qu’il ne suffit plus d’un Etat fort mais des Etats forts. La force n’apportera rien tant que le faible restera faible car il sera toujours un risque pour les forts. Il faut sonner le glas de la fin des « Quasi States » (Robert Jackson, Introduction to international relations : Theories and approaches). L’urgence écologique
La crise actuelle est une crise écologique ! Il ne faut pas l’oublier et surtout il faut le marteler sans cesse pour faire bouger les esprits étriqués. Rappelons qu’il est sans doute très probable que le virus [qui fait tant parler actuellement] ait été transmis d’un animal à un humain. Cette possibilité nous [re]ouvre l’œil sur les problématiques de trafic d’espèces sauvages. Cela démontre à quel point le comportement de l’homme peut être nocif à la fois pour la nature et [désormais on le comprend peut-être mieux], à la fois pour lui-même. Il est évident que l’urgence écologique se fait ressentir à travers cette crise. Oui, la destruction de la nature est une source de pandémie.
C’est pourquoi, sans long discours, nous comprenons aisément que l’érosion de la biodiversité des écosystèmes doit cesser au plus vite. Le changement ne se fera pas sans considération de l’autre et sans prise en compte de notre écosystème. Il faut comprendre que nous ne vivons pas seul et que notre survie dépend aussi de ceux qui nous entourent [notre écosystème].
Désormais, comme l’exprime si bien l’écrivain algérien Kamel Daoud, « Nous sommes devenus une espèce menacée autant que nous étions menaçantes ».
C’est pourquoi, cette crise doit nous engager à agir.
L’espoir d’une mobilisation européenne innovante et politique
[A mon humble avis], c’est le moment pour l’Union Européenne de frapper fort et vite. Outre l’interpénétration économique, l’union européenne, grâce à la notion de « citoyenneté européenne », a pu dépasser le cadre purement économique pour devenir « politique ». Plus précisément, c’est par le biais de la notion de « personne » [s’inscrivant dans une société nationale] que le droit de l’Union a pu pleinement exercer des compétences dans tous les domaines de la vie de l’individu et dans toutes les facettes sa citoyenneté (fiscalité directe, éducation ...). Tous cela s’est joué dans un strict équilibre entre exercice des compétences exclusives et partagées des états membres et strict respect du droit de l’Union.
Cette crise est selon moi l’occasion pour l’Union, souvent vivement critiquée [à mon avis à tort], de prendre les devants de la scène durant cette crise. L’union européenne doit s’inviter dans un débat politique et social au cœur des problématiques actuelles habituellement de la responsabilité des états. L’union doit faire preuve de pragmatisme et de courage, afin de reverser de l’argent dans l’économie réelle. [Par-là, entendons reverser directement dans le portemonnaie des citoyens , puisque le terme d’économie réelle fait référence à ce que l’argent versé est transformé en quelque chose d’autre que de l’argent. A titre d’exemple, l’argent peut être « transformé » dans des salaires, des marchandises, des services etc.]
Ce système permet de soutenir les pays qui souffrent le plus économiquement de la crise du coronavirus. Cet endettement devra être collectif. La solidarité devra prendre le pas. Cela permettra d’impulser l’économie des états européens et surtout sera l’occasion de remettre les perspectives de croissance en route.
En l’état actuel des choses, l’Union européenne promet un plan d’aide de 500 milliards d’euros. Cependant, la réalité est que les états membres ne s’entendent pas sur des aspects techniques de financement [ce qui à mon avis importe peu pour les citoyens]. L’Union joue son image, et surtout sa pérennité. C’est pourquoi les « coronabonds » [terme utilisé par Guiseppe Conte] sont essentiels. Il s’agira en effet d’obligations communes émises par les Etats européens afin de financer les dommages économiques. L’un des avantages seraient que ces « coronabonds » seront émis à des taux bas, étant donné que certains états comme l’Allemagne bénéficent du triple A, ce dont ne bénéficient pas d’autres états membres, comme l’Italie. En effet, à titre d’exemple, si l’Italie empruntait seule, elle aurait des taux beaucoup moins avantageux. D’où l’idée encore une fois d’unité, de solidarité. C’est le seul biais de réussite.
C’est en outre ce qu’exprime Ulrich Beck dans son ouvrage, dans la Société du risque : « Dans la société de classe, c’est l’être qui détermine la conscience ; dans une société du risque, c’est la conscience qui détermine l’être ». Ainsi, espérons que nous aurons conscience du risque que la société prendrait si l’unité et la solidarité n’était pas mise au premier plan pour résoudre cette crise.
Le « changement » ce n’est pas pour « maintenant »
« La liberté dans l’art, la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent tendre d’un même pas tous les esprits conséquents et logiques » (Victor Hugo). Cette célèbre citation de l’écrivain romantique, me rappelle sans cesse que nous sommes libres de choisir, de changer, d’évoluer, de faire gagner la logique face à l’irrationnel et la fantaisie boiteuse et confuse de certains discours…
Cependant, la liberté peut avoir des travers [parfois fâcheux]. C’est là que réside la difficulté. La liberté peut être pessimiste et choisir l’incohérence. La liberté ne choisit pas toujours l’optimisme et la volonté. C’est pourquoi, il ne faut pas être naïf : Le changement vers un monde altruiste risque peu d’arriver. La raison ? Je crois que pour changer, il faut le choisir.
Mais malheureusement le choix se fait toujours à demi-teinte. Les émotions prennent souvent le dessus et pire encore, le ressentiment et la haine.
Ainsi comme vous le comprenez vivement, la liberté est la dialectique entre le possible et le nécessaire. Ce qui est nécessaire n’est pas toujours possible aux yeux de beaucoup. Malheureusement…
C’est pourquoi, je plaide pour une liberté des possibles, une liberté de droit et de devoir, une liberté altruiste. L’idée [que je défends] est que par l’utilisation de notre liberté, un monde des possibles nous est ouvert, il suffit de l’utiliser. Notre comportement individuel participe aussi à la construction de la société [Il ne faut pas l’oublier].
Si comme l’exprimait La Rochefoucauld, « le soleil et la mort ne se peuvent regarder fixement », choisissons le soleil. Du moins, si nous en avons la volonté.
YOUNES Mounir
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