top of page

Bertrand Badie l'échec de la décolonisation 3/3

  • Archium
  • 15 juil. 2020
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 sept. 2020



Vous abordez la question, de la violence coloniale et de l’échec de la décolonisation, d’après vous pourquoi, ce sujet, reste-t-il en France encore aujourd’hui tabou ?

De plus, l’actualité récente du déboulonnage des statues n’est-elle pas une persévérance de cet échec de la décolonisation ?

« Il faut voir que nos pays européens auxquels se rattachent par quelques ironies de l’histoire les États-Unis ont bénéficié d’un statut tout à fait privilégié et dérogatoire qui était de monopoliser le jeu international, jusqu’à la décolonisation formelle. En outre, ils avaient acquis la certitude qu’ils avaient le rôle de régenter le monde. En conséquence, passer à un monde égalitaire se heurte, à toute une mémoire, à toute une culture et à tout un tas davantage scandaleux accumulés durant des siècles et dont on ne veut pas se départir. La transition est extrêmement difficile et extrêmement douloureuse, d’autant plus inquiétante que la décolonisation a échoué. C’est-à-dire que ce grand évènement du XXe siècle a été complètement négligé, car à l’époque le sujet dominant était la compétition entre l’occident et le monde soviétique et que l’avenir de l’humanité se jouait autour du mur de Berlin et de l’équilibre de la terreur. Le processus de décolonisation à échouer, car se sont mis en place à la hâte des modèles étatiques qui était la pale copie des modèles issus de la puissance coloniale, correspondant mal à l’histoire politique de ces sociétés (qu’on a d’ailleurs choisi d’ignorer) et qui à donner naissance à toute une série d’États soit manqué, soit effondré.

À mesure que s’est accomplie la décolonisation, ils ont été marginalisés. L’un des résultats les plus douloureux est que la plupart de ces pays issus de la décolonisation ont à subir des guerres ou des formes nouvelles de conflictualités qui les affaiblissent énormément, alors que la racine de ces conflits se trouve dans le passé colonial de ces sociétés, ce qui est indicible pour nos sociétés modernes, alors que c’est la réalité. On ne progresse pas dans ce domaine, effectivement je crois que depuis un certain temps le problème vient s’aggraver.

Si on s’intéresse au printemps arabe, ont doit s’intéresser au terme “karameh” ce qui veut dire dignité, et qui était le slogan dominant depuis l’immolation de Mohamed Bouazizi en décembre 2010. Et cette revendication de la dignité est l’expression double d’une insécurité nouvelle des populations du sud, dominé notamment par l’insécurité alimentaire [il y a 9 millions d’individus qui meurent chaque année de fin dans le monde], l’insécurité sanitaire, environnementale.

Mais il y a aussi la prise en compte très fort de l’humiliation qui est le principe le plus pathogène de nos relations internationales et depuis fort longtemps. Le problème, c’est que l’on constate que la décolonisation n’a pas effacé l’humiliation, mais au contraire elle est devenue une source de mobilisation contre les régimes locaux jugés illégitimes et totalitaires et contre le système international en général. Au demeurant, ce sentiment d’humiliation des peuples du Sud rejoint l’humiliation reçue par les minorités du Nord, là où on constate qu’elles demeurent exclues du jeu économique, du jeu social ou politique. Là ou constate aussi qu’elles sont la cible d’entité de violence venant des appareils d’États. Tout ceci est explosif et n’est jamais regardé droit dans les yeux. Le président de la République a dit qu’il ne voulait pas déboulonner les statues, mais le fond du problème n’est pas là. Le fond du problème est qu’il faut regarder l’histoire en face et qu’une génération (notre génération) a le droit et même le devoir de porter un regard critique sur ce qu’à pu faire la génération précédente, comme on a pu condamner la génération qui à participer à la collaboration. Il m’importe que Jules ferry, soit déboulonner ou pas, ce qui m’importe c’est que notre génération dise ça ce n’est pas nous et c’est tout. Et que sur cette base-là on construise la grande réconciliation humaine. En effet le grand paradoxe, de notre mondialisation est que celle-ci n’a jamais favorisé la réconciliation humaine, mais est entrain de reconstituer un monde inégalitaire. Et cela serait une véritable catastrophe que cette mondialisation qui a beaucoup de bien fait par ailleurs vienne y consacrer une réalité culturelle, raciale. Je ne comprends pas comment au 21e siècle un homme peut être injurié, car il pose le problème du racisme dans nos sociétés. Ça, c’est vraiment dangereux. »

Comments


Post: Blog2_Post

Formulaire d'abonnement

Merci pour votre envoi !

  • Facebook

©2020 par Archium. Créé avec Wix.com

bottom of page