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Interview exclusive avec Kemmler

  • Archium
  • 6 déc. 2020
  • 7 min de lecture

Le rappeur marseillais Kemmler est un de ces artistes qui ne triche pas avec la musique :

« Quoi qu’il en soit, je suis prêt à assumer à 100% ma musique parce que justement c’est 100% de moi ». À l’aube de son 4ème album studio il a accepté une interview exclusive dans laquelle il se livre sur son parcours, ses inspirations et ses craintes. Derrière ses nombreux succès (« Ça me gêne », « Moi aussi », « Dansé »), on retrouve alors un artiste aux multiples facettes à la recherche d’authenticité, entre sentiments à vifs et humour décalé.



Pour commencer par le début tu as grandi dans les années 90 et 2000 à Marseille. Quelles ont été tes influences ? L’artiste qui t’a donné envie de te lancer ?


J’ai commencé à écouter du rap par rapport à mon grand frère avec qui j’ai 7 ans d’écart, donc au départ c’était beaucoup IAM. Ensuite, quand j’ai commencé à me faire mes propres avis musicaux j’ai écouté Arsenic, Kerry James et Youssoupha. J’étais vraiment fan du rap à texte. Par rapport à mes parents c’était essentiellement de la variété française avec ma mère qui était fan de Charles Aznavour. Que ce soit dans la variété française ou dans le rap, les textes étaient à chaque fois recherchés et c’est réellement ce qui m’a donné envie d’écrire.


La famille est un thème qui revient souvent dans textes (Cf « Dis-moi tout »), quel rôle est-ce qu’ils ont eu dans ta carrière ?


Au départ j’étais assez discret, c’est-à-dire dire que mon grand-frère savait que je faisais de la musique et c’était le premier à m’aider en me payant mes premiers studios. Mais après avec mes parents j’étais assez réservé, je n’aimais pas trop faire écouter car j’utilisais des mots vulgaires. En vérité, ils ont commencé à être au courant quand c’est devenu mon métier donc cela fait 3 ou 4 ans qu’ils écoutent réellement ce que je fais et qu’ils me soutiennent. Ça a quand même été un choc pour mon père quand je lui ai expliqué que ça allait devenir un métier et que j’allais avoir un salaire, ce n’est pas du tout de son époque.


Dans beaucoup de titres tu t’adresses de façon assez directe à tes abonnés mais aussi au gens qui t’entourent (Cf « Absolution », « Moi aussi », « J’avoue »). En quoi est-ce que c’est important pour toi de leur parler à travers tes musiques ?


C’est très important parce que le métier de rappeur est quand même assez spécial, il m’arrive de recevoir de vrais messages d’amour de la part de personnes que je n’ai jamais vues. C’est à ce moment que tu te rends compte de l’influence de la musique et de la puissance des mots. Donc j’ai besoin de leur parler car c’est quelque chose que je ne peux pas faire au quotidien et puis notre lien se fait par la musique.


À ce sujet tu n’as pas fait de tournée pour Rose, puisque tu avais prévu d’en donner une pour ce nouvel album. Mais là avec la crise sanitaire, les choses paraissent compliqués, est-ce que vraiment c’est quelque chose qui commence à te peser ?


Sincèrement c’est le plus handicapant. Je suis frustré parce que c’est un rêve de faire cette tournée-là et d’aller à la rencontre du public. Rien que le fait de partir en tournée avec mon équipe qui sont devenus mes amis c’est très difficile de ne pas le faire. Après je me rends quand même compte que l’on reste privilégiés, il y a des gens qui vivent cette crise d’une façon bien plus mal que nous professionnellement.


En février 2019, date importante, tu acquières une certaine notoriété en signant auprès du label Def Jam France. Quelles sont avant ça les difficultés que t’as rencontrées ?


Avant ça en vérité je n’ai eu que des désillusions et je pense que c’est la même chose pour tout le monde. On m’a beaucoup fait des promesses qui ne se sont jamais réalisées et le jour où je me suis vraiment pris en main c’est là que ça a commencé à bouger. Plus précisément c’est à partir de 2016 quand j’ai sorti « C’est l’heure » que ça a réellement commencé à avancer pour moi puisque j’ai commencé à avoir un salaire et pouvoir vivre de la musique ; et même si ce n’était pas un salaire mirobolant c’était quand même de quoi en vivre. Derrière, on a bossé l’album Rose et c’est ce qui a été le plus dur car je n’avais jamais autant travaillé à ma musique. Quand on a sorti cet album il y a eu un vrai retour du public mais aussi et surtout du monde de la musique, et de là il y a eu des propositions des maisons de disque jusqu’à chez la signature chez Universal et Def Jam.


Quel a été ton parcours personnel et professionnel jusque-là ?


Je n’ai pas fait d’études. J’ai arrêté l’école en seconde et je me suis mis à travailler à 16 ans, dans les marchés. Puis dès que j’ai eu 18 ans j’ai commencé l’intérim. En réalité j’ai fait beaucoup de choses diverses parce que je n’ai pas trouvé à l’école, mise à part la musique, quelque chose qui me passionne réellement. Je savais que passer mon bac n’allait rien changer mais le fait de ne pas l’avoir m’a pénalisé puisqu’il y a eu beaucoup de jobs que je ne pouvais pas faire à cause de ça.


Tu as réalisé peu de feat pour l’instant dans tes albums ou ailleurs avec d’autres artistes, est-ce que cela témoigne du fait que pour toi la musique est vraiment personnelle ?


Je pense que j’aime bien avoir un contact humain avant de faire un feat c’est-à-dire que j’aime bien qu’on s’entende, connaitre la personne avec qui je réalise un morceau. J’ai l’impression que si ce n’est pas le cas, le morceau sera plus superficiel.

Par exemple, quand j’ai appelé Élisa des LEJ pour « Confinez-moi avec elle » je l’ai fait parce que c’est une très bonne amie. Je l’ai appelé à 2h du matin pour lui proposer et elle m’a dit oui directement. Ce que j’aime particulièrement c’est cette fluidité et je l’ai seulement si je le fais avec quelqu’un que je connais personnellement.


Tu as sorti ton album « Cœur » le 30 octobre, pourquoi ce nom ?


Avant tout on est passé de « Rose » à « Gris » donc c’était beaucoup plus sombre. La 2nde partie s’appelle « Cœur », l’évolution se fait parce que cela reste plus ‘’joyeux’’ que « Gris » et parce que c’est totalement fait avec le cœur. Il n’y avait pas de mot plus fort que ça.


En quoi cet album « Cœur » est-il différent de son prédécesseur « Rose » ?


La conception de « Cœur » a été vraiment différente déjà parce qu’on a changé deux fois d’équipe ce qui a amené des idées différentes. A côté de ça, je me trouve aussi de plus en plus musicalement. Il m’arrive de tomber sur des commentaires qui me disent que c’était mieux avant mais ce qu’il faut que les gens comprennent c’est qu’il y a eu une véritable évolution dans ma vie ce qui se ressent dans ma musique. Je n’ai pas envie de dire les mêmes choses parce que je ne vis pas forcément les mêmes choses. Quoi qu’il en soit, je suis prêt à assumer à 100% ma musique parce que justement c’est 100% de moi.


Tu évoques plusieurs titres que sur le ton de l’humour (Cf « Elle m’a quitté », « Mon bébé ») avec à côté des musiques plus profondes. Au final, comment qualifierais-tu ta musique ?


Comme un peu tout le monde j’ai plein de facettes différentes dans ma personnalité. C’est vrai que je suis un gros vanneur et on se retrouve avec mon équipe dans des morceaux où l’on pousse un personnage à l’extrême. D’un autre côté j’ai des contradictions incroyables dans ma tête, je me pose énormément de questions et j’ai beaucoup d’avis sentimentaux différents ce qui fait aussi mes morceaux comme « Ça me gêne ». C’est juste moi. En réalité tout ça c’est moi, donc si je sors un album, j’ai vraiment envie de mettre tout ce que je suis.


En tant qu’artiste déjà, mais encore plus en tant que rappeur est-ce que tu te sens investi d’un besoin de dénoncer certains aspects de la société ?


En vérité pour l‘instant je n’ai pas ce besoin-là parce que je ne me sens pas éducateur dans ma musique. Il y a des rappeurs qui le font très bien et certainement mieux que moi comme Kerry [James], Médine ou Youssoupha. Vraiment ce que j’aime faire dans ma musique c’est donner les sentiments qui m’animent. J’ai des personnes qui viennent me dire qu’ils ressentent les mêmes choses que ce que je dis dans mes textes et c’est ça qui me touche. Je veux trouver des similitudes entre les gens pour me sentir moins seul et faire en sorte qu’eux aussi se sentent moins seuls.


Tu as affirmé dans « J’suis pas chanteur » que tu n’étais pas l’homme du titre « Dansé ». Dans ce cas, dans quelle mesure ton expérience personnelle inspire-t-elle tes morceaux ?


En fait la part de vrai elle est à 95%, quand je dis que ce n’est pas moi le gars dans « Dansé » c’est vrai que ce n’est pas moi mais ça pourrait l’être. Ce sont des choses qui pourraient arriver et qui me font peur au quotidien, pour lesquelles je me remets en question. Je vais aussi chercher l’expérience de mes proches comme avec le morceau « En même temps » dans la 2nde partie qui raconte une histoire qui n’est pas la mienne. Pour autant, je sentais le besoin de la raconter parce que c’est une histoire vraiment forte.


Tu t’inscris plutôt en marge de la scène traditionnelle du rap français, comment toi tu regardes ce milieu et dans quelle mesure il va t’impacter ?


En vérité je n’ai pas de goût particulier en rap français. C’est fou mais je vais être plus touché par des morceaux qui n’ont rien à voir avec mon univers. En tant qu’auditeur je vais plus être touché par un sentiment général que par la musique en elle-même. Je n’arrive pas à me mettre d’étiquette, je n’aime pas ça. Je navigue entre trois styles que sont l’électro, la variété française et le rap sans pour autant m’enfermer.


Comment est-ce que tu envisages la suite de ta carrière ?


Déjà j’essaye vraiment de prendre du temps pour les albums parce que je n’ai pas envie de me répéter, je n’ai pas envie de dire la même chose. J’ai choisi le crédo de me raconter moi donc c’est assez spécial. Ce que génèrera cet album créera la suite de ma carrière et là j’aurai quelque chose à raconter dans l’album suivant. C’est toujours pareil, quand j’ai fait « Rose » je ne m’imaginais pas du tout raconter ce que je raconte aujourd’hui dans « Gris » et avec « Cœur » pareil.



A.C


© Image : Konbini

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