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La crise des Ouïghours : une répression culturelle ancienne

  • Archium
  • 20 déc. 2020
  • 4 min de lecture



La crise des Ouïghours semble relativement floue pour une grande partie de la communauté internationale, bien qu’elle soit au cœur de nombreux enjeux humanitaires.

Pour comprendre cette crise, il faut revenir à l’origine de la discordance entre cette minorité ethnique et le pouvoir chinois.

Qui sont les Ouïghours ?


Les Ouïghours sont une des 56 ethnies composant la république populaire de Chine. Turcophones de religion musulmane, ces derniers sont installés en Asie depuis plus d’un millénaire. Ils sont environ 11 millions à vivre dans la région autonome de Xinjiang sous la souveraineté de Pékin. Le sinologue Jean Philippe Béja a justement précisé que « Les Ouïghours ne sont donc pas de culture chinoise et ils n’ont été rattachés à la Chine qu’au moment de l’empire des Qing » aux alentours du XVIIIème siècle. Cette précision est intéressante pour comprendre qu’ils se sentent plus proche culturellement et ethniquement de l’Asie centrale. Cette distinction culturelle et religieuse entre les Ouïghours et le reste de la population chinoise est un élément clé pour comprendre l’origine de la répression.


Pourquoi une telle répression a été mise en place ?


Historiquement, cette répression débute sous le régime de Mao avec la mise en place d’une culture d’assimilation à la culture chinoise. Après sa mort, une tolérance religieuse et culturelle s’installe dans le pays mais elle ne sera que de courte durée.

C’est l’arrivée au pouvoir d’un homme fort à Pékin : Xi Jinping, devenu secrétaire général du Parti communiste chinois en 2012 et Président de la république populaire en 2013, qui va initier le début d’une répression certaine à l’encontre des Ouïghours.

En prétextant une action de déradicalisation, le nouveau secrétaire du parti du Xinjang, Chen Quango, généralise cette politique visant à faire disparaitre toute forme de contestation pour assurer la souveraineté et l’hégémonie de l’État chinois. La culture Ouïghours étant « considérée comme la source d’une volonté séparatiste par les dirigeants chinois », selon M. Béja, cette dernière se devait d’être éradiquée.

Comment se caractérise cette répression ?


Dans un premier temps, c’est l’éradication de la culture qui a primé. Elle se traduit par l’enlèvement des enfants pour leur apprendre les valeurs communistes, mais également par une rééducation des parents. En ce sens, un rapport d’Human Rights Watch publié en 2018 dénonce un degré de répression ayant nettement augmenté depuis la nomination de ce nouveau gouverneur, se manifestant par la construction de camps de rééducation appelés « centres de formation professionnelle » où plus d’un million de personnes sont détenues.

Parallèlement, une politique de colonisation interne a été initiée pour favoriser l’installation de chinois Hans (peuple chinois ‘’historique’’). Ainsi, les Ouïghours sont devenus minoritaires dans leurs propres régions.


Mais peut-on parler aujourd’hui de génocide ?


La crise des Ouïghours a pris une ampleur considérable depuis la construction de ces camps. Ce n’est plus simplement une éradication de la culture, mais bien une éradication de cette minorité ethnique dans son ensemble.


En effet, le terme « génocide » a été utilisé par des militants Ouïghours du fait que la politique chinoise vise clairement à réduire démographiquement une population ciblée.

Cette radicalisation de la répression a été pointée du doigt en 2020 avec de nouvelles informations secrètes du gouvernement ayant fuité, permettant de mettre en avant la stérilisation forcée des femmes Ouïghours. En effet, l’entrave aux naissances est un des cinq critères retenus par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948).

Le chercheur Antoine Bondaz a déclaré à ce propos : « J’étais moi-même assez mal à l’aise avec le terme de génocide puisqu’il est souvent très connoté, et évidemment en Europe. Mais les révélations sur les stérilisations forcées et plus largement, le contrôle des naissances, permet de parler de façon objective de génocide. »

Il est clair qu’il n’est pas si aisé d’employer le terme génocide dans la mesure où ce crime est le résultat d’un certain nombre de critères parfois complexes à réunir. Néanmoins, rien n’empêche de constater objectivement qu’une répression de cette population a été initiée par le gouvernement chinois dans l’unique but de maintenir un État soudé et unie autour de mêmes valeurs : les valeurs communistes.

Enfin, certains témoignages, notamment celui d’une femme Ouïghoure dans le journal Libération le 21 juillet 2020 a mis en avant le fait que ces camps de formation sont des lieux d’endoctrinement où la population est torturée et soumise à des traitements médicamenteux dangereux entrainant de nombreux décès. On est donc bien loin d’une simple éradication de la culture.


Quelle réponse de la communauté internationale ?


Bien que la situation date de plusieurs années, la prise de conscience de la communauté internationale fut longue et commence timidement à se faire remarquer.

En France, c’est notamment Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères qui a déclaré que « toutes ces pratiques sont inacceptables. Nous les condamnons avec beaucoup de fermeté » demandant l’accès à des observateurs indépendants internationaux dans cette zone.

Cependant, aucun Etat européen n’a pris de sanction contre la Chine, à l’inverse des Etats-Unis annonçant placer onze entreprises chinoises sur liste noire limitant leurs accès à des technologies et produits américains, car participant à la persécution de cette minorité.

Certains considèrent que l’Union européenne en tant que premier partenaire commercial de la Chine pourrait mettre en place des sanctions économiques. Néanmoins, la question est plus complexe dans la mesure où le gouvernement chinois nie la situation assurant que la politique mise en place permet de lutter « contre le terrorisme et le séparatisme ».


Malgré tout, la communauté internationale participe d’une certaine manière à cette dramatique crise humanitaire dans la mesure où de nombreuses usines recourent au travail forcé des Ouïghours pour fournir de nombreuses marques (Apple, Nike, Lacoste…). Huawei aurait également aidé la Chine en matière de reconnaissance faciale pour surveiller les Ouïghours. C’est en ce sens que le célèbre joueur de foot Antoine Griezmann a rompu sa collaboration avec ce sponsor.


Bien que l'on comprenne l'enjeu complexe qu'est imposer des sanctions fortes à une si grande puissance mondiale, ainsi que la difficulté de s’ingérer dans les affaires d’un Etat tel que la Chine, il faut tout de même espérer que la communauté internationale agisse fermement, et au plus vite.



E.B


© Images :

- OZAN KOSE/AFP/GETTY

- Capture d'écran Youtube War on Fear

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