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Trafic internet & consommation des data centers

  • Archium
  • 1 mars 2021
  • 6 min de lecture

Depuis les origines d’internet jusqu’à aujourd’hui, le trafic internet mondial n’a cessé d’augmenter de façon exponentielle : il était de 15 Go par mois en 1984 contre 2,7 milliards de fois plus en 2014. Et cette hausse n’est pas près de s’arrêter d’après la firme de télécommunications Cisco puisque le trafic IP mondial devrait continuer d’augmenter d’environ 26% par an (1). L’entreprise californienne publie en effet régulièrement son « Visual Networking Index », qui estime le trafic internet mondial ainsi que son évolution pour les années à venir.


Plusieurs facteurs expliquent cette hausse exponentielle de consommation. Bien sûr, le nombre d’utilisateurs connectés est en constante augmentation mais parallèlement la hausse du niveau de vie dans de nombreuses régions du monde est aussi à prendre en compte. En ce sens, le nombre d’internautes sera passé de 3,4 milliards en 2017 à 4,8 milliards en 2022, sachant que la région Asie-Pacifique à elle seule verra 900 millions de nouveaux utilisateurs connectés au réseau mondial. La zone Moyen-Orient-Afrique n’est pas non plus en reste puisque c’est dans cette région que l’augmentation de trafic est la plus importante sur la période (avec près de 41% de croissance annuelle), malgré de grandes disparités selon les régions.


Un autre facteur est la hausse du nombre de dispositifs connectés à internet. Cela est en grande partie dû au doublement du nombre de produits dits « M2M » (machine-to-machine), qui n’ont pas besoin d’intervention humaine pour échanger des informations sur le réseau et qui de ce fait influent sur l’évolution du trafic internet mondial.


Le dernière cause principale de cette flambée de la data est l’évolution des usages. Parmi les changements majeurs, on peut citer l’augmentation du streaming vidéo, qui représente désormais 82% du trafic internet mondial. La crise du coronavirus joue aussi un rôle dans l’augmentation des échanges de données (augmentation du trafic de 30% en France pendant le 1er confinement).


Devant cette flambée du trafic (et corrélativement des données qui y sont associées), on pourrait penser que la consommation d’énergie des data centers a explosé ces dernières années, les capacités de stockage ayant été multipliées par 26 entre 2010 et 2018 (2). Et pourtant, cela est loin d’être le cas puisque la consommation électrique des centres de données est en hausse de 3,6% entre 2010 et 2022 selon l’agence internationale de l’énergie (3), soit bien moins que la hausse de la consommation électrique globale sur la même période. Pour avoir une idée de la grandeur des chiffres, les data centers consomment actuellement environ 200 TWh par an, c’est à dire environ 1% de la consommation électrique mondiale.

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Global trends in internet traffic, data centre workloads and data centre energy use, 2010-2019 (IEA)



Alors comment cela est-t-il possible ?


Tout d’abord, il faut savoir que le terme « data center » est assez large et comprend à la fois les centres de stockage, les serveurs (qui réagissent aux demandes des utilisateurs du réseau) et tout ce qu’il y a autour : climatisation, infrastructures réseaux, . . . L’usage que l’on fait principalement d’un data center va donc avoir une grande influence sur sa consommation. Par exemple, le stockage des données consomme finalement peu, d’ailleurs une clé USB ou un disque dur peuvent conserver de la donnée sans même être alimentés et c’est uniquement en lecture/écriture qu’ils ont besoin de courant.


Si on ajoute à cela le fait que la consommation moyenne des disques durs présents dans les data center a été divisée par 10 entre 2010 et 2018, on comprend vite qu’une multiplication par 26 des capacités de stockage ne sera pas répercutée telle quelle sur la consommation. Certes la quantité de données échangées augmente, mais c’est principalement l’utilisation que l’on en fait qui requiert de l’énergie.

Un exemple très représentatif est celui du minage de BitCoin : les données échangées sont plutôt faibles et à peu près n’importe quelle bande passante permet de miner chez soi. En revanche, les mineurs doivent effectuer de nombreux calculs pour valider les transactions ce qui est très consommateur en énergie. Ainsi le minage de bitcoin à lui seul représente 0,3% de la consommation électrique mondiale mais une fraction bien plus faible du trafic IP. Pour cette raison, des fermes de minage ont d’ailleurs été

installées dans l’arctique russe (4), où l’électricité est peu chère et la climatisation plus facile à gérer (on y reviendra plus tard).


Ainsi, une bonne partie de la consommation des data centers vient de leur capacité de calcul avec là aussi des améliorations importantes puisque l’énergie moyenne utilisée pour une « charge de travail » (unité abstraite pour comparer les performances de plusieurs machines) a été divisée par 4 en moyenne. Les innovations permettant cette baisse de consommation sont à la fois physiques (processeurs plus efficients) et algorithmiques (utilisation du calcul parallèle notamment). Les infrastructures réseaux de ces centres ont elles aussi beaucoup progressé puisque dans le cadre des communications filaires, l’énergie nécessaire pour échanger une même quantité de données a été divisée par 2 tous les 2 ans depuis 2000.


On arrive finalement au problème de la climatisation, qui est en fait central puisque celle-ci représente de l’ordre de 40% de la consommation. En effet, les data centers sont massivement refroidis : les salles sont maintenues à 25°C environ et les serveurs peuvent se dégrader s’ils deviennent trop chauds. Des solutions ont été cherchées dans cette direction car plus les processeurs sont récents, mieux ils peuvent résister aux hautes températures mais la contrepartie est qu’ils vont également plus consommer s’ils sont plus chauds. Il y a donc un arbitrage à faire entre la consommation liée aux serveurs et celle liée à la climatisation. Mais il y a également du personnel qui travaille dans les data centers, donc même si on arrivait à faire fonctionner les serveurs efficacement à haute température, cela pourrait rendre la maintenance plus compliquée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les opérateurs des data center tentent de trouver des solutions pour réduire la climatisation en s’installant dans des endroits froids, en testant de nouvelles techniques de climatisation voire en installant des centres immergés ou encore en valorisant les calories créées en proposant du chauffage aux villes alentours.


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Finalement, c’est la mise bout à bout de tous ces faits et innovations qui a permis de limiter la hausse de consommation énergétique des data centers malgré l’augmentation exponentielle du trafic internet mondial et des données qu’il génère. Concernant l’origine de l’énergie électrique utilisée, de grandes entreprises de la tech se targuent d’utiliser une énergie verte à 50% ou 80% (voire 100%) pour faire baisser leurs charges et pour des raisons évidentes de marketing. Néanmoins, ces pourcentages représentent une énergie moyenne, les sources "vertes" utilisées étant intermittentes.

Par exemple, Google annonce alimenter ses centres à 100% avec de l’énergie renouvelable, ce qui signifie que l’entreprise utilise très peu d’électricité renouvelable lorsqu’il n’y a ni vent ni soleil mais qu’elle en injecte beaucoup plus lorsque ces ressources sont présentes. Ainsi l’entreprise ne saurait se passer d’énergie fossile pour faire tourner ses centres lors de creux de production.

Plus intéressant, ces grandes firmes cherchent à utiliser des algorithmes pour repousser si possible les opérations coûteuses en énergie lorsque la météo le permet (par exemple au jour suivant pour s’alimenter en énergie solaire) afin d’utiliser de moins en moins d’énergie fossile.


Nous pourrions alors penser que le trafic internet peut continuer à augmenter sans crainte, puisque la consommation des data centers est stable (d’autant plus que cette énergie tend à être de plus en plus renouvelable). Mais pas vraiment. D’abord, il faut prendre en compte le coût énergétique de production des data centers, depuis l’extraction des minerais jusqu’à l’assemblage, en passant par la fonderie et le transport qui ne sont clairement pas négligeables (un processus émetteur de gaz à effet de serre). Ensuite, la faible hausse de consommation est liée à des innovations technologiques ou des améliorations. Cependant l’amélioration en technologie est comparable au milieu sportif : si un record est battu, il est plus dur à battre dans le futur, donc si l’amélioration est facile au début (lorsque la technologie est nouvelle), elle devient de plus en plus difficile au fur et à mesure des années. A moins d’une rupture technologique importante, la consommation des centres finira donc inexorablement par augmenter. La question qui se pose est alors de savoir combien de temps les innovations vont-elles pouvoir suivre l’augmentation exponentielle de la quantité de données produites.



1. https://www.cisco.com/c/dam/m/en_us/network-intelligence/service-provider/digital-transformation/ knowledge-network-webinars/pdfs/1213-business-services-ckn.pdf


2. Recalibrating global data center energy-use estimates by Eric Masanet, Arman Shehabi, Nuoa Lei, Sarah Smith, Jonathan Koomey Science | 28 Feb 2020 : 984-986




© Images :

1 : https://www.iea.org/data-and-statistics/charts/ global-trends-in-internet-traffic-data-centre-workloads-and-data-centre-energy-use-2010-2019

2 : https://www.upsite.com/blog/understanding-cooling-diversity-within-data-center/



V.D

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