La liberté de l’indifférence
- Archium
- 7 oct. 2020
- 3 min de lecture
Épris de nombreuses controverses, ce concept philosophique par excellence a été longtemps débattu par Descartes et ses successeurs. Cependant, dans cet article, je me permets de fonder ma propre interprétation de la liberté, afin de décrire la problématique de la perte de conscience politique dans la population française

"Mural detail from the Chapel of the Santa Barbara Cemetery", Alfredo Ramos Martínez. 1934.
Dans nos sociétés libérales et démocratiques, nous pensons souvent avoir atteint le plus haut degré de liberté. Cependant, ces acquis ne sont que le fruit de l’histoire combative de nos ancêtres, prêts à perdre leurs vies pour plus de liberté. Ces libertés politiques ont été acquises par le biais d’un dur labeur. Pourtant, bénéficiant aujourd’hui de tous ces droits que l’on considère comme « normal », on se permet d’être indifférents à leurs égards.
Deux conceptions de cette liberté d’indifférence peuvent émerger :
La première conception de cette liberté d’indifférence serait d’avoir obtenu le plus haut degré de liberté. Ainsi, cela nous permettrait d’avoir le choix de ne rien choisir. Cette possibilité serait alors le plus haut degré de liberté, nous permettant de sortir de cette duplicité du choix qui nous conduit finalement à n’avoir qu’une liberté de « situation » (expression de Sartre) et non une liberté absolue.
Personnellement, j’estime que cette conception est en réalité, comme l’exprimait Descartes, « le plus bas degré de la liberté », car elle est la conséquence d’un défaut de l’entendement, d’un défaut de connaissance. En effet, le choix est souvent en lien avec le « bon choix ». En d’autres termes, on fait le choix de faire telle ou telle chose en connaissance de cause, et par conséquent le meilleur choix possible pour nous. Cette indifférence est donc non salutaire. Elle est à mon avis fâcheuse et pernicieuse, à tel point qu’elle évacue toute responsabilité dans nos actes et peut conduire dans le cadre des libertés politiques à un funeste désastre : celui de l’indifférence politique.
La seconde conception amène à voir cette liberté de l’indifférence comme une paralysie, qui conduit à ne plus prendre part à la vie de la cité. Cette paralysie est vécue comme un choix par beaucoup, mais je pense qu’elle est le choix de « l’enfant gâté ». En effet, depuis que nous avons acquis dans nos sociétés tous les droits politiques nécessaires à la vie de la cité, on remarque de l’autre côté un fort désintéressement, une forte indifférence qui se creuse au sein de la population française. Cette indifférence (remarquable notamment par la chute vertigineuse du taux de mobilisation électorale) est à mon avis, polémogène [qui est facteur de conflit], car elle conduit à ne plus s’intéresser à rien, à prendre habitude de ne plus se préoccuper de qui que soit, ou de quoi que ce soit. L’indifférence est une tare, qu’il faut supprimer ; et la liberté d’indifférence est un ennemi de la liberté qui altère nos sociétés.
L’exemple du droit de vote :
De plus en plus de personnes se détournent du droit de vote. Certains pour des raisons politiques, et d’autres car ils ne sont simplement pas intéressés. Cette autocensure est exemple de cette liberté d’indifférence. En effet, alors que le droit de vote a été acquis de manière universelle en 1945, une partie de la population perçoit ce droit de vote comme une possibilité, comme un choix qui s’offre à eux parmi d’autres. De cette possibilité, ils font le choix de l’indifférence. Ils ne choisissent entre aucun candidat et par conséquent font le choix de la résignation plutôt que du volontarisme. Ainsi, ils se laissent porter par le choix des autres et sont à mon avis, l’image du dilemme absurde de l’âne de Buridan. Cet âne bicéphale, dont une partie à faim et l’autre soif, se trouve face à deux sceaux, l’un contenant de l’eau, et l’autre contenant de l’avoine. Alors qu’il hésite entre ses deux désirs, il finit par mourir de faim et de soif faute de choisir. Attention, il est évident que cela reste un paradoxe poussé à l’extrême qui ne représente pas scrupuleusement la réalité des faits, mais il évoque tout de même l’une des conséquences de cette liberté de l’indifférence. Il apparait donc un devoir pour l’Homme de choisir « le plus grand bien » pour lui, pour la société. Ne pas le faire peut conduire à nuire à l’Homme et à la société [notamment avec les libertés politiques telles que le droit (devoir) de vote].
Bien que la conception de liberté soit romantique, elle nous détourne facilement de l’important, de l’équilibre que nos sociétés cherchent tant bien que mal à acquérir afin de nous garantir la vie la plus épanouie possible. Rendons-nous service, ne soyons pas indifférents.
« Celui qui vit vraiment ne peut qu’être citoyen et prendre parti. L’indifférence c’est l’aboulie, le parasitisme, la lâcheté, ce n’est pas la vie. C’est pourquoi je hais les indifférents. L’indifférence est le poids mort de l’histoire. » Antonio Gramsci.
M.Y
Comentarios