Le retour des insecticides néonicotinoïdes ?
- Archium
- 12 déc. 2020
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Les députés ont donné leur feu vert à la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour les seules cultures de la betterave sucrière, menacées par le virus de la jaunisse. Ce virus, transmis par des pucerons, entraîne des baisses de rendements, qui mettent en danger la filière.
Présenté au Conseil des ministres du 3 septembre 2020 par Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et par Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, l'Assemblée nationale a adopté le « projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ». Cette adoption a eu lieu lors d'un vote solennel par 313 voix pour et 158 contre, malgré l'opposition des défenseurs de l'environnement. En effet, le texte prévoit une dérogation pour l'utilisation de ces insecticides jusqu'en 2023.
Cependant les 10 et 12 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi du projet de loi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.
Mais au juste, que sont les néonicotinoïdes ?
Les néonicotinoïdes correspondent à une classe d'insecticides neurotoxiques utilisées pour lutter contre les organismes, végétaux ou animaux, considérés comme nuisibles. Il y a trois grandes sortes de pesticides : les herbicides, les fongicides et les insecticides. Les néonicotinoïdes font partie de cette dernière catégorie et regroupent sept molécules dérivées de la nicotine.
Contrairement à la plupart des insecticides qui sont pulvérisés directement sur les plantes, les néonicotinoïdes sont surtout utilisés en enrobage de semences. Cela veut dire que la graine semée contient déjà la molécule insecticide. Ce procédé permet au pesticide de circuler dans la plante tout au long de sa croissance, des feuilles aux tiges jusqu'au pollen et au nectar. Cela s'appelle une protection « systémique ».
Les néonicotinoïdes avaient été interdits en 2018, mais pour quelles raisons ?
« La France se positionne plus que jamais en pointe sur l’interdiction des produits phytopharmaceutiques dangereux pour les pollinisateurs » écrit alors le ministère de l'Agriculture dans un communiqué.
Dans un souci de protection des pollinisateurs (notamment les abeilles), l'interdiction de cinq molécules faisant partie des néonicotinoïdes était entrée en vigueur le 1er septembre 2018.
Les néonicotinoïdes sont en effet particulièrement dangereux pour les insectes. Sans les tuer directement, leur substance active altère le système nerveux de ces animaux en perturbant leur sens de l'orientation, leur mémoire et leur capacité de reproduction. Puisque les néonicotinoïdes sont présents partout sur les plantes et dans leur pollen, les insectes pollinisateurs sont directement touchés.
Ainsi, selon l'Union nationale de l'apiculture française, 300 000 ruches sont anéanties chaque année à cause de ces pesticides. Les substances se retrouvent aussi dans le miel que l'on consomme. En ce sens, une étude menée en 2017 par la revue Science démontre que 75% de 198 échantillons de miel prélevés dans le monde entier contenaient au moins une des cinq molécules de néonicotinoïdes interdites en France en 2018.
Mais au final, qu’en penser ?
Les avis sont partagés quant à la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes.
D’une part, les cultivateurs de betteraves saluent la décision du gouvernement de rouvrir l'accès aux néonicotinoïdes. Tereos, deuxième groupe sucrier mondial, approuve ces annonces qui « sont de nature à sécuriser les semis de betteraves pour la campagne 2021-2022 » et affirme que « Il faut avancer maintenant très vite pour avoir une loi ».
D’autre part, certains cultivateurs comme Dominique Fievez, assurent que « les pollinisateurs comme les abeilles ne viennent pratiquement pas sur les betteraves, car les betteraves ne développent pas de fleurs. » Selon lui, l'interdiction des néonicotinoïdes pour ces plantations « n'avait pas de sens ! Mieux vaut enrober les semences avec cet insecticide, que de pulvériser un aérosol ensuite ».
De son côté, Olivier de Bohan, le président du sucrier Cristal Union, se veut rassurant : « Il ne s'agit pas de remettre en question l'indispensable transition écologique. Il s'agit de nous permettre d'être les acteurs de cette transition et non les victimes. »
D’autres s’insurgent de cette décision, comme du côté des associations de défense de l'environnement et des apiculteurs, le retour aux néonicotinoïdes est une immense déception. L'ancienne ministre de l'Environnement et avocate Corinne Lepage dénonce « une faute sanitaire et politique ».
Au final,
Il faudra donc se munir de patience et attendre la décision du Conseil constitutionnel, celui-ci ayant été saisi les 10 et 12 novembre 2020 (2020-809 DC), il aura par principe jusqu’au 12 décembre pour vérifier la constitutionnalité du texte de loi proposé par le parlement et donc prendre position.
Mais en attendant la décision du Conseil Constitutionnel, certains groupes activistes tels que La Ronce, appellent à des actions de dégradation matérielle pour « stopper la destruction du vivant ». Ils ciblent les produits des grands sucriers, qu’ils accusent d’être responsables de l’autorisation des néonicotinoïdes.
NB : Le Conseil constitutionnel a jugé ce jeudi 10 décembre « conforme à la Constitution » la possibilité de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes compte tenu de « l’ensemble des garanties dont elle est assortie » et en particulier de « son application limitée exclusivement jusqu’au 1er juillet 2023 ». (Le Monde)
D.A
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