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Snobisme intellectuel et élitisme  : deux termes analogues  ?

  • Archium
  • 9 déc. 2020
  • 4 min de lecture

Léna Situations à gauche, et Frédéric Beigbeder à droite.


Un soir devant l’émission phare de Yann Barthes « Quotidien », j’entends une invitée, Léna Situations, évoquer le succès de son livre « Toujours plus » vendu à plus de 200 000 exemplaires. La réussite de cette jeune youtubeuse a provoqué les critiques du monde littéraire, notamment de la part de l’écrivain Frédéric Beigbeder. On pouvait lire par exemple dans une de ses chroniques littéraires, publiée le 6 novembre dans Le Figaro, « Léna Situations est sûrement une personne solaire, gentiment narcissique, une victime parmi tant d’autres de Mark Zuckerberg. Son inculture assumée rend toutefois sa lecture angoissante. Cette jeune femme est la preuve que le système éducatif français a perdu une bataille contre Facebook ». Profitant de sa tribune télévisuelle, la youtubeuse répond aux critiques qui lui ont été adressées : « Je trouve que c’était un peu la facilité de s’attaquer à la nouvelle génération. Il dit ce qu’il veut et nous, on répond ce qu’on veut, a-t-elle confié sur le plateau de Yann Barthès. On répond qu’on est fatigué par ce snobisme intellectuel et le mépris qu’on peut avoir face à des jeunes qui essayent de faire des choses. »

Cette réponse m’a interpellée. L’évocation de l’expression « snobisme intellectuel » pose en réalité un vrai problème dans l’aptitude de notre société à appréhender les différentes créations qui nous sont exposées. Cette problématique du snobisme intellectuel rejoint profondément notre rapport à l’élitisme.


Qu’est-ce que le snobisme intellectuel ?


Un snob, soit une personne qui fait preuve de snobisme, « cherche à se distinguer du commun des mortels. Désireux d’appartenir à une élite, le snob tend à reproduire le comportement d’une classe sociale ou intellectuelle qu’il estime supérieure. Souvent, il imite les signes distinctifs de cette classe, qu’il s’agisse du langage, des goûts, des modes ou des habitudes de vie. Il traite avec mépris ceux qu’il considère comme ses inférieurs. »

Deux catégories de mot ressortent de cette définition : l’idée de supériorité d’une part et celle d’infériorité d’autre part. Premièrement, la supériorité rejoint la notion d’élitisme qui évoque quant à elle une idéologie qui soutient l’accession de personnes jugées comme ‘’supérieures’’. Ensuite, le terme d’infériorité a pour accession dans ce cadre de réflexion précis, le caractère de ce qui est inférieur en valeur. Mais inférieur à quoi ? Inférieur de rang à celui qui est supérieur c’est-à-dire à l’élite.


Ainsi on comprend facilement qu’il y a un lien fort entre snobisme et élite. La différence, est que le snob imite l’élite et méprise tandis que l’élite est meilleure de facto, elle n’a pas besoin de mépriser pour en faire partie.


Tous les goûts se valent-ils ?


La critique de la youtubeuse à l’égard de ses détracteurs témoigne d’une justesse frappante. En effet, elle identifie un problème en France, celui de la soi-disant atmosphère intellectuelle imposée dans les médias et remplie d’hypocrisie.

Le contenu de l’ouvrage de Léna Situations peut être médiocre ou non (je ne l’ai pas lu), ce que je remarque surtout c’est que cette jeune femme ne se réclame aucunement de tout intellect, bien au contraire, et par conséquent ne mérite pas un acharnement aussi vil.

Qu’on puisse critiquer son livre oui, qu’on puisse critiquer sa personne si on veut. Mais ne critiquons pas une personne sur ses aspérités à ce qui relève de l’intellect et particulièrement lorsque cette personne ne s’en réclame pas.


Cependant, cela ne veut pas dire que tous les gouts se valent. Ceci est faux. L’élitisme pourtant bien souvent critiqué est appliqué tous les jours. En ce sens, lorsque nous achetons du pain dans une boulangerie que nous estimons meilleure que d’autres nous pratiquons l’élitisme. Effectivement, nous faisons toujours le choix au quotidien du meilleur si nous le pouvons. Pourquoi telle école plutôt qu’une autre ? Pourquoi tel vêtement plutôt qu’un autre ? Pourquoi tel restaurant plutôt qu’un autre ? Parce que nous comparons et de cette comparaison nous choisissons ce qui est meilleur. C’est ça l’élitisme, en dehors de tout aspect politique qui ressort de ce terme.


Donc bien sûr que tout ne se vaut pas. Mais cela n’est pas une raison de mépriser inutilement. La critique est bonne, car elle permet d’évoluer. Mépriser correspond plutôt au fait de juger une personne comme indigne d’estime, d’attention. La critique, même si elle est dure, vise à discerner les personnes et les choses selon leur valeur. Elle est le choix du meilleur et de l’amélioration. La méprise est celui de la colère.

Renonçons au snobisme intellectuel et prônons la critique intellectuelle.


Élitisme politique


Sur la question de l’élitisme politique que je n’évoque pas ici puisque relève d’un autre débat, je conseillerais la lecture des ouvrages de Michael Young, grand sociologue britannique créateur du terme « méritocratie ». Ce grand sociologue a notamment réfléchi sur les problèmes que pourraient « poser le remplacement des anciennes élites par une classe nouvelle dirigeante légitimée par ses seuls diplômes. » Brice Couturier (France Culture).

Dans son roman L’ascension de la méritocratie, le sociologue britannique estime que « l’esprit de révolte contre l’injustice de la classe ouvrière, qui avait disparu, renaît. Les cancres au lycée, qu’on a persuadés durant des décennies qu’ils méritaient leur sort minable, finissent par se soulever contre la nouvelle classe dirigeante. Elle est devenue encore plus arrogante que les anciennes aristocraties, puisqu’elle prétend que son pouvoir et ses privilèges sont absolument mérités. » selon Brice Couturier (France Culture). Ainsi il écrit notamment que « La carapace du mérite avait inoculé les vainqueurs contre la honte et les reproches ».


Ces questions évoquées par ce sociologue britannique sont toujours d’actualité et méritent toute notre attention. De la réforme de l’ENA, aux problématiques de diversité (sociale, sexuelle, etc...) souvent évoquée au sein de l’élite politique et financière de notre pays, on comprend aisément que les questions d’élitismes, de méritocratie et d’ascenseur social restent déterminantes pour l’avenir.



Michael Young


M.Y


© Images :

Photo by Arnold Jerocki/Getty Images

Photo by Dominique Charriau/WireImage

Catherine Shakespeare Lane – AFP/ France culture


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